Dès le début du XXe siècle, le mouvement de l’abstraction s’est attelé à élaborer un langage nouveau, à créer ses propres règles ou encore à explorer de nouvelles sources d’inspiration. En s’éloignant de la représentation de la réalité stricto sensu, l’attention s’est dirigée vers le rapport de l’individu face au monde. Ces réflexions ont entre-autres mené au surréalisme, qui transforma l'inconscient en un terreau fertile de création pour les artistes. Cette approche quoique prolifique ne satisfit pas le.a peintre abstrait.e qui chercha son salut dans un rapport direct avec le support (à de rares exceptions près). Le geste devint alors immédiat, presque implacable dans son application. On assiste à un déplacement du sujet traité qui passe de « que représenter ? » à « comment représenter ? ». De nombreux autres aspects seront travaillés tel que l’étude de la géométrie, l’infini potentiel des formes, la variabilité des média ou encore du pouvoir de la répétition.
Mais revenons à notre questionnement initial et au renouvellement de la forme abstraite. Quel aspect travailler et ainsi raviver l’expression abstraite ? Je propose de m’intéresser à la question de la narration au sein d’une œuvre. Cette question de la narration est l’objet principal de la série « Paysages Entrelacés ».
Précisons que la notion de paysage fait ici référence à un espace abstrait partageant avec son pendant figuratif les seules notions de gravité (sens du regard), d’esthétique du déséquilibre (positionnement, taille des formes) ou encore de cinétique (idée de mouvement).
La production d’une œuvre de la série suit trois grandes étapes : composition, décomposition, recomposition. Chaque toile avant découpage est un paysage / espace abstrait ayant son identité propre (composition). Cet espace se voit décomposé, coupé en bandes de tailles aléatoires (décomposition). Chaque toile est enfin recomposée ou assemblée à l’aide des bandes latérales / horizontales issues d’une ou de plusieurs toiles découpées (recomposition).
Lors de l’opération de recomposition, les bandes sont parfois agencées en respectant l’ordre avant coupure, parfois déposées de façon aléatoire, souvent réunies par la main du peintre délivrant son récit.
Aspect supplémentaire, les espaces entre les bandes sont vus comme autant de respirations laissées libres, à l’instar du « blanc » en musique, notre cerveau vient combler le « vide » en proposant un récit propre à celui qui regarde.
Paysage entrelacé I – acrylique sur toile, collage – 2023 – 60×90 cm
Paysage entrelacé II – acrylique sur toile, collage – 2023 – 60×120 cm
Paysage Entrelacé VII – acrylique sur toile, collage – 2023 – 60×80 cm
Paysage Entrelacé VI – acrylique sur toile, collage – 2023 – 90×60 cm